Posts Tagged 'Corée'

Trois semaines dans une université coréenne

Yonsei-university-main-buildingUn des moyens d’apprendre la langue coréenne est de s’immerger totalement pendant trois semaines en Corée en suivant des cours intensifs programmés par une  université. Cela faisait longtemps que je songeais à cette option. C’est donc l’été dernier que j’ai franchi le pas en m’inscrivant à l’université de Yonsei (‘연세대학교’). Par la suite, j’ai appris qu’elle faisait partie de l’une des trois plus prestigieuses universités de Séoul. Du coup, même si pour ce genre de programme d’été, l’admission se résume à payer les frais de scolarité (environ 900.000 Wons), j’étais toute fière de recevoir ma carte d’étudiante !

Nous étions une douzaine d’élèves par classe, répartis en groupes de 6 niveaux. Pendant trois semaines d’affilée, dans une atmosphère studieuse (test de vocabulaire toutes les semaines, devoirs à la maison) et à un rythme soutenu (4 heures par jour), deux professeurs dynamiques nous ont enseigné les prémisses de la langue coréenne, le tout couronné par un test final. Attention, si l’on veut obtenir un certificat, il faut se plier aux règles: une seule absence est tolérée (et plus de trois retards valent une absence). Une deuxième petite précision me paraît également utile : ce qui est enseigné est la formule de politesse la plus soutenue et non pas le niveau de politesse qu’on emploie dans la vie courante.

hangeul3

La plupart des élèves sont de jeunes étudiants mais comme il n’y a aucune limite d’âge, il y a quelques brebis galeuses déjà sur le marché du travail qui, comme moi, sont assez folles pour sacrifier leurs vacances à essayer de comprendre la complexité de la langue coréenne ! Ayant fait des études à l’étranger, j’y ai toutefois retrouvé une atmosphère étudiante très internationale, ce qui m’a par ailleurs fait penser que ma jeunesse était totalement révolue… Ce qui était insolite pour moi était que l’Asie dominait l’Europe en nombre d’étudiants : la plupart venait majoritairement du Japon mais aussi de Taiwan, d’Indonésie, des Philippines ou de Chine continentale. Une minorité venait d’Hawaï, des Etats-Unis et d’Europe.

Pour me donner des forces, c’est encore la nourriture coréenne qui m’a apporté réconfort lors de ces matinées studieuses. Chaque cours de 50 minutes est entrecoupé d’une pause de 10 à 20 minutes pendant laquelle on peut très vite prendre des habitudes coréennes en engloutissant dès le matin en seulement quelques minutes des Kimbap, un Bibimbab, un Dubu jjigae ou bien encore un Doenjang ou un Kimchi jjigae !

Pour les accrocs du Nolaebang (karaoké coréen), le dernier jour, il est possible d’apprendre quelques tubes du moment comme par “Nobody” des Wonder Girls , sans oublier Arirang, la plus célèbre chanson traditionnelle et folklorique coréenne (en version électro remastérisée), le tout en mangeant des Tok (gâteau coréen fait à base de riz).

A noter que Yonsei n’est pas la seule université à proposer ces cours; les universités de Goryeo, d’ Ewha, de Sogang et bien d’autres offrent également des programmes similaires.

Pour ceux qui en ont marre des vacances farniente, n’hésitez-pas à vous inscrire, vous ressortirez de ce séjour le cerveau en ébullition, prêts à dégainer des centaines d’expressions coréennes acquises de haute lutte.

sobong

La fureur du scalpel

2301520660_f5e857686a

Les chiffres donnent le vertige. Pensez-donc, 61,5% des Coréennes entre 25 et 29 ans ont eu recours à la chirurgie esthétique. Des injections de botox à la  rhinoplastie, en passant par l’incontournable double paupière, il semblerait que le remodelage du visage et du corps soit devenu un passage obligé pour les femmes du Matin Calme. Un acte aussi banal et nécessaire qu’une manucure ou une épilation en quelque sorte. Mais attention, la gent masculine n’a pas dit son dernier mot. Aujourd’hui, Monsieur Kim n’hésite plus à se faire lifter et liposucer, histoire de retrouver une seconde jeunesse. Exemple notoire, feu Roh Moo-hyon y a été de sa petite blépharoplastie avant de se jeter d’une falaise.

Before/After

Pourquoi une telle hystérie collective?

La culture américaine exerce une fascination sans égale en Corée du Sud. Conséquence logique, le modèle occidental est devenu la référence sur le plan esthétique. Autrement dit, White is Beautiful. Exit les yeux bridés et le nez plat, les Coréens veulent se westerniser le faciès et, richesse économique aidant, ils en ont les moyens.

D’une manière plus générale, après « Taffez jusqu’à ce que mort s’ensuive », la beauté à tout prix est le leitmotiv qui galvanise la péninsule. Sans un physique avantageux, adieu carrière professionnelle florissante, vie sexuelle trépidante et considération de vos prochains. Quand on sait que le conformisme est à la Corée ce que la mauvaise humeur est aux parisiens, étonnez-vous que le troupeau bêlant ait pris d’assaut les cliniques spécialisées. C’est ainsi que de plus en plus d’étudiants se font désormais ravaler la façade afin de maximiser leurs chances dans le monde du travail.

Ce culte de la beauté plastique bénéficie par ailleurs d’ambassadeurs de choc. La plupart des stars d’Hallyu sont en effet des adeptes enthousiastes du bistouri. Kim A-joong et Hwan Hee, pour ne citer qu’eux, ont évolué de manière spectaculaire au fil des ans. L’exemple venant d’en haut, la jeunesse du pays a promptement adopté les mœurs de ses idoles avec, dans bien des cas, l’approbation parentale. Le phénomène ulzzang, qui nous donne un aperçu intéressant du néant, illustre à merveille cette dictature de l’apparence.

Ils sont malades euuu, complètement malades euuu…

Bien sûr qu’ils ne sont pas les seuls à s’être laissé séduire par les sirènes du scalpel. Bien sûr qu’en ce bas-monde, il est préférable de ressembler à une gravure de mode plutôt qu’à une vache laitière. Avouez néanmoins que la banalisation des interventions esthétiques en Corée a de quoi inquiéter. Le pays tout entier semble être sous l’emprise d’une névrose narcissique carabinée. Résultat, l’habit fait tellement le moine que le reste n’a plus guère d’importance. Triste dérive qui risque de perdurer encore un bon moment. En attendant que la pathologie s’essouffle, espérons qu’il n’y ait plus d’autre Mme Mioku pour défrayer la chronique. S’injecter de l’huile de cuisine dans le visage n’était vraiment, mais vraiment pas l’idée du siècle.

sankyo

Quand la folie mène au pire


Akiyama Yoshihiro/Chu Sung-hoon : entre sushi et kimchi

akiyama 2Je l’avais aperçu dans une revue d’arts martiaux. Sa coiffure peroxydée, son bronzage de beach boy et son sourire ultra-bright m’avaient interpellé. « Tiens, un Ken asiatique », avais-je pensé, vaguement agacé par la touche narcissique du bonhomme. Ma curiosité à son égard en était resté là. Et puis récemment, en lisant des articles sur les Zainichi coréens, je suis à nouveau tombé sur lui : Akiyama Yoshihiro, Chu Sung-hoon dans sa version coréenne.

Zainichi signifie littéralement « qui réside au Japon ». On utilise couramment ce terme pour désigner les Coréens installés au Japon car ces derniers constituent la principale communauté étrangère sur le sol nippon. L’annexion de la Corée par le Japon de 1910 à 1945 et les flux migratoires qui en résultèrent expliquent la présence de près d’un million d’individus d’origine coréenne dans la société japonaise. Un tiers d’entre eux a acquis la nationalité nippone mais ce sont tous des Zainichi lato sensu, qu’ils aient demandé leur naturalisation ou pas. En raison du contentieux historique entre le Soleil Levant et le Matin Calme, les Zainichi n’ont pas échappé à toutes sortes de discriminations qui, si elles se sont atténuées avec le temps, n’en demeurent pas moins latentes aujourd’hui.

Akiyama Yoshihiro est un Zainichi de la quatrième génération. Né à Osaka, il grandit dans une famille profondément attachée à la mère-patrie. Très tôt, il se prend de passion pour le judo et nourrit un rêve : représenter la Corée aux Jeux Olympiques. Il part donc à Busan dans le but d’intégrer l’équipe nationale de judo. Mais là-bas, les déconvenues s’accumulent. Chu a beau ipponiser à tout-va, on ne se gêne pas pour lui savonner gentiment la planche. Le Jeil Dongpo (l’équivalent coréen de Zainichi) n’est pas le bienvenu, qu’il retourne donc chez lui au Japon. Terrible désillusion pour Akiyama qui n’avait sans doute pas imaginé une réception aussi fraîche de la part de ses compatriotes. Après trois années de galère, il finit par jeter l’éponge et acquiert la nationalité nippone.

« Chu a rejeté son pays natal »

Octobre 2002, Busan accueille la quatorzième édition des Jeux Asiatiques. Chu revient sur le lieu de ses déboires en tant que membre de l’équipe japonaise en –81kg. Auteur d’un sans-faute, il accède à la finale et conclut son brillant parcours par une victoire sur le représentant de la … Corée. Un tel clin d’œil du destin fait forcément sourire. Les médias coréens, dont l’humour a tendance à partir en fumée quand il s’agit de l’honneur national, dézinguent prestement le « faux frère ». Un journal va même jusqu’à titrer : « Chu a rejeté son pays natal. » C’est le monde à l’envers. Akiyama doit alors se dire que, décidément, les choses ont pris une drôle de tournure. Etre considéré comme un traître à la patrie n’entrait pas nécessairement dans ses plans de jeunesse. Busan, ville maudite !

Celui que les japonais adorent détester

Après une carrière honorable en judo, Chu se lance dans le K-1 en 2004. il s’y montre à son avantage et devient rapidement une figure populaire dans le circuit nippon. Ce qui le distingue notamment du reste de la meute, c’est le judogi qu’il arbore avant et parfois pendant les combats. Le Taegukki est cousu sur une manche, l’Hinomaru sur une autre. Un geste symbolique qui envoie un message clair aux deux pays : le refus de choisir et de se couper d’une partie de lui-même. Un geste risqué quand on connaît la rivalité exacerbée qui régit les relations entre le Japon et la Corée. D’ailleurs, les choses se gâtent le 31 décembre 2006. Ce soir là, Akiyama affronte Sakuraba Kazuchi, l’idole vieillissante du Soleil Levant. L’affrontement se solde par la victoire de Chu mais Sakuraba l’accuse à juste titre de s’être enduit le corps d’un produit lubrifiant juste avant le combat, rendant tout saisie impossible. Akiyama reconnaît s’être hydraté la peau de crème Olay mais se défend d’avoir voulu en tirer un quelconque avantage. Il a beau présenter ses excuses à son malheureux adversaire, le mal est fait. Disqualifié et exclu des compétitions Hero’s pendant quelques mois, il devient tout à coup l’homme à abattre aux yeux du public japonais. En somme, le remake de Busan de l’autre côté de la mer de l’Est.

Chu le pestiféré

Un an jour pour jour après l’affaire Sakuraba, un autre combattant japonais est chargé de corriger le « tricheur coréen ». Il s’appelle Misaki Kazuo et apparaît comme investi d’une mission « sacrée ». Le combat se déroule dans une atmosphère malsaine, saturée de relents nationalistes. Si Chu maîtrise initialement les débats, envoyant même Misaki au tapis d’une belle droite, il se fait surprendre à son tour quelques minutes plus tard. Alors qu’il s’apprête à se relever, les deux poings posés au sol, son adversaire le shoote en pleine tête et le met KO.  C’est une infraction au règlement mais Misaki n’en a cure, qui explose de joie et sermonne sa victime au micro du speaker. Tout occupé à localiser son appendice nasal, Akiyama ne réagit pas aux remontrances de son bourreau et quitte le ring sous les huées de la foule en liesse. La victoire  de Misaki sera finalement transformée en no contest. Il s’agit jusqu’ à présent de la dernière participation de Chu au K-1.

Akiyama short rouge, Misaki short noir : nouvelle controverse

Cap sur l’Amérique

Après ce triste épisode,  Akiyama prend le temps de soigner ses plaies physiques et morales. Ironie du sort, le désamour dont il est victime au Japon le rend populaire dans son pays natal. Emus par l’histoire tumultueuse du Jeil Dongpo, les Coréens finissent par l’adopter et le considérer comme l’un des leurs. Une reconnaissance un peu tardive mais Chu ne boude pas son plaisir, lui qui déclara  après sa naturalisation : “Je ne suis plus coréen mais le sang qui coule dans mes veines l’est.” Depuis quelques mois, il est omniprésent dans les médias coréens, allant jusqu’à apparaître dans Family outing, l’une des émissions phares de SBS. Est-ce à dire que c’en est fini d’Akiyama l’apatride, l’homme blessé qui avoua que sur le podium des Jeux Asiatiques, il avait regardé “l’espace entre les drapeaux japonais et coréen“? Une chose est sûre, il en aura fallu du courage pour avaler autant de couleuvres et rester droit dans ses bottes. Aux dernières nouvelles, Chu a signé un contrat avec l’UFC, l’organisation américaine de free-fight. Il combattra dans l’octogone grillagé le 14 juillet contre Alan Belcher au Mandalay Bay de Las Vegas. Après tout, c’est peut-être loin du Japon et de la Corée, dans le désert du Nevada, qu’Akiyama se sentira enfin at home. L’Amérique, l’Amérique

sankyo


SeoulParis en images

Follow me on Twitter

Bookmark and Share
Creative Commons License
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.