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Aller à Haeundae beach lors d’un typhon

En Août dernier, avec plusieurs amis nous avions l’intention d’aller passer quelques jours au bord de la mer. Souhaitant être rapidemment au bord de la mer, nous avions choisi comme destination Busan, plus précisément Haeundae beach. Extrêmement facile d’accès depuis Seoul Station, le KTX (le TGV coréen) nous a enmenés à Busan en trois heures. Comme il y a plusieurs trains par heure, nous n’avions pas besoin de réserver à l’avance des tickets ce qui change de la SNCF !

Arrivés à la gare, on a le choix soit de prendre un taxi pour 20.000 wons environ et selon la circulation, on arrive à Haeundae beach après une demi-heure ou une heure de route, soit de prendre le métro (ligne 2) et là il faut compter également une d’heure. Ce qui fait qu’en 4-5 heures on peut quitter Seoul, mégalopole, pour se retrouver à la plage!

Je n’étais pas retournée à Haeudae depuis 6 ans et dès mon arrivée, j’ai été surprise par toutes les constructions, principalement des hôtels qui sont apparues depuis. Comme le temps était encore relativement ensolleilé, la plage et les rues grouillaient de monde alors qu’en 2004, Haeundae ressemblait à une station balnéaire désertée.

Haeundae est devenue très prisée, c’est un phénomène de mode et en Corée, tout fonctionne dans le mimétisme, la ressemblance et l’apparence. Tout porte à croire que le coréen ne sent bien que s’il fait exactement la même chose que son voisin. Néanmoins, les coréens m’ont toujours impressionnée par la rapidité à laquelle ils reproduisent le même chose, en l’occurence ici des motels et des hôtels pour accueillir des milliers de coréens. Leur faculté d’adaptation est également incroyable, tout du moins en apparence.

Pour le logement, il y en a pour tous les goûts et tous les budgets. Les grandes hotel sont situés sur le front de mer. Lorsqu’on s’enfonce dans les petites rue, on peut aussi trouver des motels à des prix bon marché entre 50.000 et 100.000 wons. Il existe aussi un hôtel le sunset business propre, confortable et bien situé qui ne donne pas directement sur le front de mer mais d’où l’on peut quand même avoir vu sur la mer de certaines chambres. L’avantage est que le prix d’une chambre est plus abordable que les hotels de luxe et s’élève à environ 150.000 wons en haute saison.

Le soir lorsque nous nous sommes promenés, la mer commençait à être noire et déchainée. Des agents de sécurité sifflaient à chaque fois qu’une personne s’approchait trop près de la mer, même s’il n’y avait objectivement aucun danger à tremper ses pieds dans l’eau. Mais les coréens obéissaient et n’essayeaient pas de perséverer lorsque le coup de sifflet retentissait.

Le lendemain, nous sommes restés quelques temps sur la plage à regarder la mère se déchaîner mais surtout le spectacle s’étendait aux coréennes pour lesquelles le typhon n’avait rien enlevé à leur coquetterie. Dans un prochain post, d’autres photos montreront que même en tenue de plage, les coréens et les coréennes sont hyper stylés…

sobong

S’il fait trop chaud à Seoul l’été

Alors que l’automne s’est abattu subitement sur Paris cette semaine, je repense à la chaleur torride qu’il y a eu au mois d’Août dernier en Corée. Cela faisait des années que de tels pics de chaleur n’avaient pas été enregistrés. Il fallait absolument trouver un moyen pour y échapper. Au diable la pollution et l’humidité, avec deux amies, nous sommes parties, un lundi matin, en métro ligne 3 au nord de Seoul en direction de Bukhansan. Il existe au moins trois ballades différentes commençant à trois point différents de Seoul. Arrivées à la station Suyu, nous avons pris le bus 110. Au terminus, il a commencé à pleuvoir, de plus en plus fort… Qu’à cela ne tienne, nous avions l’habitude de ces chaudes pluies diluviennes qui ne durent que quelques minutes. En attendant que cela se calme, nous avons donc acheté des imperméables jetables et pris la navette entourées de Adjumas qui allaient se recueillir au temple ….

L’asension a duré environ 3 heures, entrecoupée de pauses près de la rivière qui nous renvoyait un peu de fraicheur. En chemin, nous avons rencontré un Adjoshi avec lequel nous avons pris l’habitude de faire nos pauses sous les arbres à l’abri de la pluie. Il nous montrait le chemin et rythmait notre parcours.  L’hospitalité et la tradition coréenne étant présente partout même en pleine montagne, il nous a invité à déjeuner près d’un petit temple. Juste avant la dernière montée, il nous a montré les trois autres points culminants de la montagne Bukhansan alors que s’étendait à nos pieds l’immensité de Seoul. Le brouillard nous a malheureusement empêché d’apprécier pleinement la vue. Mais quelle joie d’atteindre le sommet et  en cadeau bonus, le drapeau coréen flottait dans le vent…

Cette journée nous a permis de nous évader dans la nature sans pour autant être obligées de partir loin de Seoul.

C’est un bon plan lorsqu’il fait trop chaud à Seoul.

sobong

3rd Line Butterfly, Nine Days Or a Million

Music Alliance Pact (MAP) a été créé par The Pop Cop, collectif regroupant environ 34 Blogs de musique de pays différents et qui permet de découvrir des groupes de musique du monde entier. Ce mois de mars, Indiefulrock qui est le blog consacré à la musique coréenne, a sélectionné le groupe de rock alternatif coréen 3rd Line Butterfly (3호선 버터플라이). Ce groupe existe depuis 1999, leur musique a connu un grand succès à travers le drama Ruler Of Your Own World. Il se produit le plus souvent dans les salles de concerts à Hongdae, quartier au nord-ouest de Séoul où est situé l’université d’arts et berceau du rock underground coréen. 3rd Line Butterfly a sorti 3 albums de 1999 à 2004 Self Titled Obsession , Oh! Silence, Time Table. Il a fallu attendre patiemment cinq ans avant qu’ils ne sortent, fin 2009, un quatrième album, Nine Days or A Million. En attendant la sortie de ce nouvel album, les musiciens et la chanteuse Nam Sang ah ont évolué seuls ou avec différents groupes de musique comme Mauvais sound pour la chanteuse, the Moonshiners pour le batteur Son Kung Ho.

J’ai  découvert ce groupe de rock lorsqu’ils sont venus à Paris au Batofar et à la Flèche d’or lors du Festival Morning Calm Fever organisé par l’association Racines Coréennes en octobre 2006. La scène musicale parisienne a plus que séduit le groupe de rock coréen: ils confient avoir eu leur meilleure expérience musicale lorsqu’ils ont donné un concert à la Flèche d’Or. Outre la qualité “du son qui venait à eux”, ils ont apprécié la scène underground parisienne. Ils ont découvert une qualité de son, une élégance et une chaleur à Paris qu’il n’ont trouvé ni au Japon où tout est pourtant bien organisé, propre et de haute qualité, ni à New York où le son est fort, lourd et formel, ni en en Corée où le son est plus bas, la musique de Hongdae étant plutôt triste et mélancolique.

Lors de mes différents séjours à Séoul, j’ai eu la chance de pouvoir assister à plusieurs de leurs concerts et de pouvoir les rencontrer.

Rencontre avec le guitariste, auteur, compositeur Sung Kiwan

L’été dernier, j’ai pu discuter longuement avec Sung Kiwan, le guitariste, leader du groupe. Avant la sortie de leur dernier album Nine Days or A Million, le musicien animait une émission à la radio pour faire découvrir les musiques du monde, il a composé de nombreuses musique de film. Egalement poète, il a écrit un deuxième recueil de poème, création plus solitaire. Il a sorti un album solo, Your song.  Mais pour Kiwan, l’interaction entre musiciens est essentielle, la communication avec les autres fait partie de la création musicale, être ensemble et rencontrer le public lui tiennent vraiment à coeur. C’est pourquoi, le quatrième album de 3rd Line Butterfly était une belle expérience. Le guitariste nous explique que ce mini album est composé de 5 chansons : deux chansons ont été écrites par Nam Sang ah et lui-même, une chanson par la Sang ah seule, une autre par Sang ah et le bassiste Kim Namyoon et une dernière par tous les musiciens du groupe.

Sung Kiwan est un enfant du quartier de Hongdae et il en est fier. Avant 1987/88 et sous la dictature, la plupart des groupes de musique et des chansons étaient censurés. Il y a vingt ans, Hongdae était une scène underground, indépendante, libre et expérimentale. La musique était un moyen d’expression. Face à l’oppression il y a eu une renaissance, un dynamisme. Les musiciens de 3rd Line Butterfly ont tous grandi à Hongdae.

Kiwan semble préoccupé par la temporalité mais une temporalité non linéaire. C’est lors de son périple au Mali l’hiver 2008/2009 qu’il a pu apprécier ce sentiment d’appartenir à la fois au passé et au présent. Le point de départ, là d’où tu viens est important. Sur les traces des Tellem (“ceux qui étaient avant nous“), il a passé quelques mois au Mali où il a rencontré d’autres musiciens et a pu échanger et jouer avec eux. Il est persuadé qu’en Afrique, on peut vivre deux temps à la fois, alors qu’en Europe, en Asie ou en Amérique, les personnes vivent au présent et sont confrontées à une réalité immédiate. Même si en Corée, on peut trouver un mélange de tradition et modernité, la symbiose et l’harmonie que recherche Kiwan est ailleurs.  Il rêve d’entrer dans une boucle qui lui fait penser à un tourbillon. Ce sentiment de bien-être, avoir l’expérience de vivre dans deux temporalités à la fois lui rappelle l’omnipotence de la mère. Ce qui importe dans la vie c’est bien la quête de l’amour, s’aventurer dans ce chemin où soudainement on n’est sûr de rien. Il faut retrouver ce que l’on a perdu en soi, l’amour est une rencontre avec l’autre, une lecture réciproque de l’autre où chacun doit déchirer ce qui est en lui pour se dévoiler. Le musicien-poète exprime cette quête dans les mots, dans ses poèmes et sa musique pour montrer ce qu’il a en lui-même.

Le premier album  de 3rd Line Butterfly est un rock jeune et direct, le second album est plus silencieux, plus proche du naturel, transitoire, le troisième est plus esthétique, plus artistique, plus mûr.

Nine Days or A Million est un retour vers les origines, il est plus tourné vers le rock, le naturel, il est quelque part situé entre le passé et le futur.

sobong

죽 – juk

Une sorte de rituel: enfant, à chaque fois que je tombais malade, alité et fiévreux, maman entrait dans ma chambre à l’heure du repas avec un bol de juk.

Le juk est un porridge de riz coréen pas très compliqué à faire: trois fois plus d’eau et trois fois plus de temps de cuisson que ce qu’il faut pour cuire du riz. Le résultat est une bouillie insipide, parfaitement digeste, suffisamment neutre au nez et au goût pour être acceptée du plus réfractaire des bambins malades et barbouillés. Lorsque maman entrait dans ma chambre avec ma ration quotidienne, je m’asseyais donc difficilement sur mon lit pour engloutir chaque cuillerée de cette potion magique censée me redonner force et vigueur.

Au fur et à mesure que je prenais des forces, le juk seul s’avérait trop monotone pour mon palais exigeant et je réclamais son complément indispensable : la sauce de soja, parfaite combinaison foncée et salée d’un repas décidément trop monotone. Une fantaisie pas forcément bienvenue pour l’estomac d’un petit homme malade selon maman qui gardait la maîtrise de l’assaisonnement. S’ensuivait une négociation de tous les instants entre maman et moi pour savoir si chaque cuillerée de juk aurait droit à plus ou moins de sauce de soja.

Lors de ma gastro de la semaine dernière, ça n’est pas maman mais le programme numéro 8 de mon rice cooker qui m’assura mon juk quotidien. Pas forcément la même dose d’humanité mais au final, cette même odeur subtile de riz cuit qui me replonge des années en arrière, assis sur un lit, à batailler avec maman pour savoir si la cuillerée que je suis sur le point d’engloutir aura droit à un peu plus de sauce de soja.

Je décide que oui.

yonggook

Une vie toute neuve

Nous sommes en 1975 à Séoul, un père emmène sa petite fille de 9 ans, Jinhee, en voyage à la campagne. Plusieurs scènes nous montrent que le papa est attentionné et s’occupe bien de sa fille. On s’attendrit lorsqu’il nettoie les nouvelles chaussures de sa fille qui vient de glisser dans la boue. On voit aussi combien Jinhee est attachée à son père. Soudain le film prend une autre tournure qu’on a du mal à accepter, le père et la fille arrivent à destination: un orphelinat tenu par des sœurs catholiques. L’abandon est filmé de manière très simple, sans mélodrame, le père ne s’attarde pas. De toute façon, les états d’âmes peuvent-ils être à la hauteur lorsqu’il s’agit d’abandonner son enfant? Mais quand même, on ne comprend pas trop comment un père si prévenant peut abandonner une petite fille si adorable. Comme Jinhee, on ne connaît pas la raison de cet abandon. De même, on a du mal à accepter et à croire que la rupture est définitive. Petit à petit, on s’aperçoit que le père a menti à sa fille. Au fil des scènes, au rythme de Jinhee, on se construit ses propres explications, mais rien n’est vraiment jamais clair. Telle est la réalité. Ce qui nous paraît en revanche clair est le désarroi dans lequel se trouve Jinhee et son incompréhension d’avoir atterri à l’orphelinat car pour elle, ce genre d’endroit est fait pour accueillir les enfants qui n’ont pas de parents. Or, ce n’est pas son cas puisqu’elle a son père. Elle a du mal à accepter son sort et refuse catégoriquement d’être adoptée par une famille. Jinhee se trouve confrontée à la solitude, aux mensonges de son père, puis à ceux des adultes, aux promesses non tenues, aux liens qui se font et se défont et à la nécessité de se faire une raison. Ses accès de colère, sa tentative d’évasion ou bien encore son souhait de disparaitre et de s’enterrer sont des réactions que l’on ne peut que comprendre.

Jinhee finit par accepter son destin: celui de quitter la Corée pour aller dans un pays inconnu et avoir une nouvelle famille. Chaque départ d’un enfant est filmé et donne lieu à des scènes poignantes: tous les orphelins se réunissent pour chanter et dire adieu à celui qui part et s’éloigne petit à petit. Là encore, les paroles de la chanson « ce n’est qu’un au revoir » ne sont que mensonges. Jinhee a une certitude qui est celle de partir vers une terre inconnue, vers un pays où elle ne connait ni la langue, ni les coutumes, ni personne. A-t-elle conscience de quitter sa terre natale pour un long moment? Ressent-elle un déchirement dont elle ne mesure pas encore l’ampleur? En tous les cas, sa décision est prise. Elle a fini par renoncer à retrouver son père et par accepter d’avoir une nouvelle famille. Courageuse, elle part vers de nouveaux horizons que les adultes lui ont promis meilleur.

L’interprétation de la petite fille est remarquable. Ce film n’est ni larmoyant, ni rédempteur, il retrace avec talent l’univers d’un enfant qui du jour au lendemain bascule vers l’inconnu. Une vie toute neuve nous montre avec une extrême pudeur la force et le courage qu’un enfant peut puiser en lui.

Bravo et merci Ounie Lecomte d’avoir eu la maturité, la force et l’intelligence de réaliser ce film! Merci à toute son équipe coréenne et particulièrement au co-producteur Lee Chang Dong.

sobong

Une vie toute neuve

Lee Myung-se au 4ème festival de cinéma franco-coréen

Their_Last_Love_AffairA l’occasion du 4ème festival franco-coréen qui se déroule en ce moment au cinéma Action Christine dans le 6ème arrondissement à Paris, j’ai découvert l’univers très personnel du réalisateur Lee Myung-se lors de la projection en sa présence de deux de ses films : “Their last love affair” (1996) et ” M ” (2007).

Le premier est une histoire d’amour passionnel entre un professeur de littérature et une jeune journaliste qui admire sa poésie. Le réalisateur nous plonge peu à peu dans l’univers des deux amants. Menant jusqu’ici une vie bien rangée avec femme et enfants, le professeur brûle de désir pour sa conquête et finit par mener une double vie. Quant à la demoiselle, elle oscille entre la volonté de vivre pleinement son amour et la raison qui la ramène régulièrement à sa condition de maîtresse. Afin de s’octroyer quelques jours de bonheur, les deux amants échouent dans un trou perdu en bord de mer. Exilés et coupés de la société, ils se retrouvent ainsi livrés à eux-mêmes et la réalité de leur passion. Sachant pertinemment que leur histoire est sans avenir, nos deux tourtereaux commencent à perdre la maitrise d’eux-mêmes, ce qui donne lieu aux meilleures scènes du film, entre burlesque et tension dramatique. Lee Myung-se fait preuve de beaucoup de talent quand il s’agit de montrer les états d’âme des deux protagonistes et les accès de folie provoqués par la force leurs sentiments.

m-3-filmLe second film m’a particulièrement interpellée. A la fois expérimental et peu conventionnel, «M» déborde d’innovations techniques. Le spectateur est littéralement plongé dans la psyché d’un talentueux écrivain qui souffre du syndrome de la page blanche. Tout au long du film, nous voilà embarqués avec lui dans une odyssée intérieure afin de comprendre les raisons de cette panne d’inspiration. On finit par ne faire plus qu’un avec son désarroi et on en vient, tout comme lui, à mélanger rêve et réalité. Il apparaît progressivement que le héros est hanté par le souvenir de son premier amour qu’il a cru pouvoir oublier. Mystère de la mémoire, du refoulement et des conséquences que cela peut avoir sur le présent. Le cinéaste coréen filme avec brio la cartographie mentale d’un être qui tente de résoudre un dilemme dont il ignore l’origine et qui le paralyse.

Des quelques propos que le public a échangés avec Lee Myung-se, je vous en livre un échantillon. Dans tous ses films, Lee fait la part belle au noir. Ainsi, l’écrivain de « M » revient sans cesse dans le bar « Arsène Lupin », un endroit étrange et d’un noir absolu, théâtre de sa rencontre avec la jeune Mimi. A titre anecdotique, le réalisateur coréen nous informe qu’il existe depuis plus de cinquante ans un « Lupin Bar » à Tokyo, dans le quartier de Ginza qu’il aime fréquenter. Chaque scène est composée à la manière d’un tableau, avec des couleurs très chatoyantes qui s’opposent constamment au noir.

Lee Myung-see nous invite d’ailleurs à aller voir l’exposition de Pierre Soulages à Beaubourg car l’œuvre du peintre français, qui joue constamment du contraste entre le noir et la lumière, peut selon lui mieux nous faire comprendre les méandres de l’âme humaine. Lee confie également au sujet de « M » que l’idée lui est venu suite à un rêve au cours duquel Alfred Hitchcock lui donnait un livre intitulé « M ». On lui souhaite ne serait-ce que le quart du succès qu’a connu son homologue d’origine anglaise.

sobong

Leonard Chang : la trilogie Allen Choice

pourr12663Allen Choi(ce). N’oubliez pas ce nom, il pourrait bien vous tenir compagnie lors de vos futures soirées hivernales. Elevé par une tante acariâtre à la mort de son père, adolescent rebelle puis étudiant raté, Allen est désormais bodyguard pour les grands pontes de la Silicon Valley. C’est un animal solitaire qui conduit sa vie sans véritable direction, entre apathie et spleen existentiel. Mais le dézinguage de son collègue Paul Baumgartner le tire brusquement de ce qu’il nomme « l’illusion inertielle ». Avec l’aide d’une jeune journaliste aux dents longues, notre anti-héros entreprend de faire toute la lumière sur le meurtre de son binôme. Cette enquête menée tambour battant le plonge progressivement dans les méandres de son propre passé, un passé bourbeux dont les plus noirs secrets vont se révéler les uns après les autres.

A première vue, Pour rien, ou presque, Brûlé et Protection trop rapprochée (1) pourraient aisément passer pour d’indigestes romans de gare. Terrible méprise ! Leonard Chang a du talent et ça se voit : intrigues habilement ficelées, rythme trépidant, le tout servi par une prose nerveuse et sans bavures. On pourrait très bien s’arrêter là mais ce serait passer sous silence la grande réussite de l’œuvre : Allen Choice alias the Block. Personnage atypique que ce garde du corps coréen-américain qui ignore tout de son pays natal et n’y voit pas là une nécessaire tragédie. L’angle ethnique est certes exploité mais sans fanfare et à doses homéopathiques. Car le parcours de Choice ne se résume pas à l’énième crise identitaire d’un immigré partagé entre deux mondes. Non, bien que conditionnées par ses origines, les préoccupations d’Allen dépassent largement le cadre ethnique pour embrasser des thèmes bien plus généraux tels que la famille, les relations humaines ou encore l’engagement. Sensible, faillible et parfois maladroit, the Block trébuche plus souvent qu’à son tour mais ce paumé attachant se relève toujours, cherchant inlassablement sa place dans un monde faisandé (2).

A ceux qui seraient allergiques aux romans policiers : don’t despair. Pour peu que vous maîtrisiez la langue de Shakespeare, il vous reste en effet les autres livres de Leonard Chang (malheureusement non traduits), notamment the Fruit’N Food qui traite des tensions entre les communautés afro-américaine et coréenne-américaine ou encore Crossings qui dépeint le parcours pour le moins tumultueux d’immigrés coréens du côté de Frisco.

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(1) Les anglicistes purs et durs trouveront la trilogie en VO sous les titres suivants : Over the Shoulder, Underkill and Fade to Clear.

(2) Daniel Dae Kim, l’un des héros de Lost,  a acheté les droits de Pour rien ou Presque. On attend donc le film : magnez-vous, les gars!

Bouddhas coréens au musée Guimet

Bouddha.guimet Début Octobre, l’association Racines Coréennes organisait une visite guidée de la section coréenne du musée Guimet. Ce musée consacre trois salles à la Corée comprenant environ 1.000 pièces, ce qui paraît peu face aux 12.000 pièces japonaises et 20.000 chinoises. Cela n’a pas empêché la conférencière de nous transporter à travers toute l’histoire de la Corée pendant une heure et demie.

Les plus anciennes pièces proviennent de l’époque des Trois Royaumes, période allant du Ier siècle avant J.C. jusqu’au VIIème siècle après J.C. et comprenant les royaumes de Koguryŏ, Paekche et Silla. On y trouve aussi bien des boucles d’oreilles qui datent du royaume de Silla (Vème siècle) qu’une magnifique couronne en bronze doré. Cette couronne découpée en ramures évoquant des branches d’arbres rappelle l’importance que revêt la nature  dans la culture coréenne.

Tout comme le musée Guimet dans son ensemble, la collection coréenne offre de très belles pièces révélant l’importance du bouddhisme. Du Royaume de Paekche (VIème siècle), un superbe Bodhisattva en bronze doré dont la pose  de méditation “panga sayu sang ” (une jambe repliée sur l’autre avec le coude sur le genou) permet d’identifier son origine coréenne plutôt que chinoise.  Au fond de la première salle, un Bouddha enseignant de l’époque de Koryo (XIème et XII ème siècles)  dégage à la fois sérénité, simplicité et douceur.

Avalokiteshavara.coree J’ai été particulièrement impressionnée par une magnifique statue en fonte de fer dorée représentant l’image d’Avalokiteshvara aux 1000 bras et 1000 yeux de l’époque de Koryo (Xème et XIème siècle). Les 43 mains de la statue portent chacune un attribut différent. On peut donc y découvrir un joyau qui symbolise sa propre illumination mais aussi une fleur de lotus, image de la pureté de son corps, de son esprit et de sa parole. Curieuse de connaître la signification de ces multiples bras, j’appris plus tard  que l’Avalokiteshvara est le bouddha qui regarde les hommes avec compassion. C’est ainsi qu’il possède entre deux et mille bras avec un œil dans chaque paume de la main pour veiller sur les êtres vivants et prendre soin d’eux.

Avalokiteshavara.chinePour les amateurs de Bouddhas aux mille bras, on peut également contempler un autre Avalokiteshvara dans la section chinoise dont je n’ai pu m’empêcher de prendre une photo bien que cette pièce ne soit pas coréenne ! Outre tous ces Bouddhas, les trois salles dédiées à la Corée nous donnent un bel aperçu de l’art coréen car on peut y contempler aussi bien des statues, peintures, paravents,  meubles que des masques, sans oublier la céramique (céladon) .

sobong

BeolCho – 벌초

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Chuseok fête la fin heureuse de la moisson d’été. Les greniers remplis pour passer l’hiver, les Coréens se réunissent en famille pour célébrer l’occasion et rendre hommage aux ancêtres : un mélange de Thanksgiving américain et de Toussaint français à la mode confucéenne et chamanique. Aujourd’hui, la fête de Chuseok reste avec le nouvel an lunaire la principale fête familiale annuelle coréenne.

Trois semaines avant les festivités se tient le « BeolCho », un préparatif obligé pour qui aspire rendre dignement hommage à ses ancêtres, c’est-à-dire à peu près tout le monde : le rafraîchissement des tombes familiales. N’imaginons pas ici un caveau familial qui se trouverait dans un cimetière municipal à droite en sortant de l’Eglise du village. En Corée, la plupart des morts reposent loin de toute civilisation, souvent perdus dans les montagnes, dans un lieu connu et accessible uniquement des proches qui viennent s’y recueillir. Il ne s’agit donc pas de dépoussiérer les pierres tombales, plutôt de débroussailler et de couper les mauvaises herbes (« Beol » = supprimer ; « Cho » = mauvaises herbes) qui auront prospéré durant l’été ; activité qui nécessite la participation de tous et donc un motif à une mini – célébration avant l’heure.

Etant en Corée au bon moment, je pus assister au BeolCho de mes ancêtres et vous livre ici le récit de cette journée qui commença à l’aube.

5h30 – Départ de Séoul

L’objectif est d’arriver près de Uisoeng, dans la province de Gyeongsangbukdo vers 9h, sachant que la sortie de Séoul prend du temps même à cette heure-ci et qu’après la sortie de l’autoroute, il reste encore une grosse demi-heure de petite route à faire.

Ce lever aux aurores m’aura au moins permis de me dire que ce sont peut-être les levers de soleil sur les campagnes vallonnées qui auront inspiré à certains le nom de Pays du Matin Calme.

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7h30 – Pause petit-déjeuner

Nous nous arrêtons dans une ère d’autoroute pour manger ce dont tout le monde rêve à 7h30 du matin: une soupe de nouilles bien pimentée. Problème: nous ne sommes pas les seuls en chemin pour le BeolCho et nous ne sommes pas les seuls à avoir faim. C’est donc avec une demi-heure de retard sur notre programme mais le ventre rempli que nous reprenons la route pour Uisoeng.

9h30 – Arrivée à destination

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Nous nous garons sur un chemin de terre qui sépare quelques rizières d’un flanc de montagne où se trouve les tombes de nos ancêtres. Les gens de notre village (et cousin lointains) sont déjà à pied d’œuvre quelque part au-dessus de nous et nous devons trouver seuls l’entrée du passage qui nous mènera aux tombes. Encore 15 minutes perdues, le temps de trouver non pas l’entrée elle-même mais des retardataires comme nous qui connaissent l’endroit mieux que nous.

Nous nous engouffrons avec eux dans la montagne pour une demi-heure de montée sauvage.

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10h – Les choses sérieuses commencent

Pour être tout à fait honnête, nous arrivons presque après la bataille: le gros du travail est achevé et il reste quelques branches à scier ou quelques mauvaises herbes oubliées par-ci par-là.

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Nous faisons le tour de toutes les tombes éparpillées ça et là; l’occasion pour moi de passer en revue quelques-uns de mes ancêtres, certains remontant à dix générations:

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mes arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-arrières grands-parents

Bien sûr, impossible pour moi de savoir seul l’identité de chaque tombe, d’autant que les inscriptions sont en chinois classique. Il ne me reste plus qu’à demander à mon oncle. Tiens, par exemple, quelle est cette tombe sans inscription juste à côté de celle de ce grand oncle? Une tombe clandestine me répond-on. Ce qui n’empêche pas les villageois d’en prendre soin comme les autres. J’imagine un bref instant le scandale qu’aurait provoqué l’enterrement clandestin d’un inconnu dans un caveau familial français. Juste impensable.

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Les travaux s’achèvent. Une dernière offrande et un dernier salut aux ancêtres avant de descendre. Puis c’est le retour au village pour un déjeuner bien mérité.

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11h30 – déjeuner

Pour trouver un lieu suffisamment grand pour accueillir le groupe, nous demandons l’hospitalité à un habitant du village qui dispose d’un grand terrain vague où sont disposées quelques tables. Les anciens prennent place en attendant que les plus jeunes improvisent un barbecue de poulet épicé: une grille en métal, quelques grosses pierres, un peu de bois sec et le tour est joué.

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Pour accompagner le poulet, du chou du champs d’à côté, de l’ail cru et des piments du champs d’à côté, du riz et de la pâte de soja fermenté (doenjang, le miso coréen) fait maison.

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Une heure d’un déjeuner simple mais authentique, de discussions des affaires du village, de nouvelles échangées sur soi-même ou untel qui n’a pas pu venir. Encore quelques minutes de répit le temps de fumer une cigarette. La parenthèse familiale se referme et la vie coréenne à cent à l’heure reprend ses droits jusqu’à Chuseok.

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La Corée au Japon

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Si vous avez un coup de blues lorsque vous êtes à Tokyo et que vous souhaitez absolument manger un Bibimbap ou que vous avez une envie irrépressible mais néanmoins légitime de manger du  Kimchi, allez sans hésiter à Shin-Ōkubo Station (新大久保駅, Shin-Ōkubo-eki) et vous trouverez de multiples restaurants coréens.

Shin- Okubo est sur la JR Yamanote line qui se situe à un arrêt de métro du quartier de Shinjuku. La station est donc relativement bien située puisqu’elle est sur la JR line (desservant les gares de Ueno et Tokyo) et qu’on est rapidement à Shinjuku, Harakuju, Ropongi ou bien encore Ebisu.

Lorsqu’on sort de la station de métro, on a du mal à croire qu’on se trouve à Tokyo car toutes les enseignes sont écrites en hangeul (caractères coréens). Ce quartier regroupe également de nombreuses épiceries coréennes, des karaokés et des bars coréens, des magasins de CD et de DVD coréens où l’on peut également trouver toutes sortes de produits dérivés à l’effigie des stars coréennes du moment.

Même en voulant prendre un café, on se retrouve dans un endroit dont le décor rappelle étrangement le drama coréen « Coffee prince ».

La raison pour laquelle nous nous sommes retrouvés dans ce quartier le mois dernier n’a pas été la nostalgie de la capitale coréenne que nous venions de quitter. Notre motivation était ailleurs : c’était la recherche d’un logement sympathique à Tokyo à un prix raisonnable. Or, à Shin- Okubo, on trouve de nombreux « Minbak » qui sont des sortes de guest houses tenues par des Coréens. La particularité de notre Minbak était que la propriétaire n’habitait pas dans les lieux, ce qui nous laissait une totale indépendance dans nos allées et venues. Cela ressemblait plus à un hôtel qu’à une maison d’hôtes. Nous étions donc dans un appartement avec plusieurs chambres, toutes occupées par des Coréens car la clientèle est forcément coréenne, les sites proposant ces hébergements étant écrits, pour la plupart, en coréen et non en anglais. Si bien qu’à l’intérieur du Minbak, tous les panneaux ou écriteaux qui expliquent le fonctionnement de l’ordinateur, de la cuisine, de la machine à laver ou bien encore de la salle de bain sont également écrits en caractères coréens!

Les prix sont extrêmement compétitifs lorsque nous les avons comparés avec ceux d’autres guest houses. On peut donc trouver une chambre pour deux, trois ou quatre personnes entre 3.000 et 4.500 yen la nuit par personne !

Ce quartier n’a pourtant pas bonne réputation auprès des Japonais. Il est considéré comme dangereux. Cette réputation vient sans doute des relations difficiles et ambiguës qu’entretiennent les Japonais avec les Coréens du Japon (et réciproquement) et qui sont dues principalement aux origines historiques de cette immigration. Les Coréens habitant au Japon, appelés Zainichi, constituent le groupe d’immigrés le plus important. La plupart des Coréens sont issus de la vague d’émigration économique qui a eu lieu au début du XXème siècle durant l’occupation de la Corée par le Japon. Puis, peu après, lors de la Seconde Guerre mondiale, face à une pénurie de main d’œuvre, les Japonais ont mené une politique de recrutement auprès des Coréens pour les faire venir travailler dans leur pays.

Bon, si cela peut rassurer certains, nous n’avons eu aucun problème lors de notre séjour. Bien au contraire, le côté populaire nous a plu en nous rappelant certains quartiers de Séoul !

sobong


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