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La main tendue de Roh Moo-hyun

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C’est hier que l’ancien Président de la République de Corée Roh Moo-hyun a été inhumé à Bongha, son fief.

Loin des polémiques qui accompagnent sa mort, c’est en retrouvant par hasard une photo de ma rencontre avec lui que je me souviens de ce moment privilégié : hiver 2004, la communauté coréenne s’est rassemblée dans la salle d’honneur de l’Intercontinental Hôtel pour accueillir son Président en visite officielle (la dernière en date) à Paris. En tant que présidente de Racines Coréennes, je suis également conviée à cette réception et j’écoute distraitement les discours qui se succèdent et dont le sens m’échappe.

Au bout  de l’ennui, Roh qui a pris à son tour la parole conclut son intervention en prononçant des mots qui me réveillent de ma torpeur: mon nom que je reconnais malgré l’accent coréen. Je sens alors des mains qui me poussent vers l’estrade et me retrouve d’un coup d’un seul propulsée entre le Président de la République de Corée et la First Lady.

Je ne sais plus où je suis. Il me reste juste ce qu’il faut de présence d’esprit pour saisir la main qui se tend vers moi : celle du Président qui me sourit et dont le regard bienveillant me touche profondément.

Très vite, on me donne un micro et je comprends qu’il faut que je prenne la parole devant trois cents paires d’yeux rivés sur moi. En bas de l’estrade on me rassure: “Ne t’inquiète pas, on va traduire.”

Mais traduire quoi???

Heureusement mes fonctions m’ont rodée à cet exercice et tel un automate, je présente l’association en quelques mots dans le brouillard le plus total. Le Président, décontenancé par mon débit staccato, qui plus est dans une langue qui lui est étrangère, s’exclame : “Elle est très dynamique!” Ce à quoi je réponds dans la foulée : “C’est normal, je suis d’origine coréenne”, provoquant quelques éclats de rire dans l’assemblée et surtout un sentiment de reconnaissance et d’appartenance à la même communauté coréenne.

Au lendemain de son enterrement, je me souviens de la présence forte et authentique d’un homme qui a su donner la parole à la représentante d’un groupe ne pesant pas lourd dans son pays.

Merci Roh Moo-hyun,

sobong

Les Dramas coréens, zoom avant sur un phénomène planétaire

Winter sonataDans tous les pays, il existe une grande variété de séries télévisées. Ces séries reflètent généralement les mœurs du public auquel elles s’adressent. Ainsi le spectateur peut aisément s’identifier aux différents personnages. En Corée, ces séries sont appelées “Dramas ” et connaissent un succès très surprenant. Face à cette frénésie, les productions de Dramas se sont multipliées ces dernières années, avec des répercussions économiques non négligeables. Les Dramas coréens sont devenus une véritable industrie en Asie. On a même vu apparaître des coproductions avec la Chine, un pays qui offre de vastes espaces naturels et où les coûts de tournage sont moins élevés. En juin 2009, la Corée était à l’honneur : environ 300 réalisateurs et producteurs venant principalement du Japon, de Taiwan, de la Chine continentale  et d’Asie du Sud-est ont assisté à Séoul à la conférence annuelle des Dramas asiatiques. Pour la quatrième fois, les scénaristes des différents pays asiatiques ont pu ainsi échanger sur les différences et les similitudes de leurs séries.

La particularité du Drama coréen est qu’il s’exporte facilement à l’étranger, ce qui peut paraître paradoxal, étant donné que le genre est destiné à un public essentiellement national.

lee young ae

Qu’est-ce qu’un Drama ?

Tout d’abord, il n’est peut-être pas inutile de rappeler brièvement ce que sont les Dramas. Ce sont des séries télévisées en plusieurs épisodes, en général une vingtaine, qui relatent souvent une histoire familiale ou une histoire sentimentale contemporaine. Les Dramas ressemblent la plupart du temps à un conte de fée et nous propulsent dans un monde magique où tout est beau et lisse. Cet univers féérique a rapidement séduit les Coréens qui doivent faire face à une pression sociale très forte et dont le quotidien n’est pas toujours rose. C’est pourquoi le Pays du Matin Calme ne se lasse pas de ces fictions qui tournent pourtant toujours autour des mêmes thèmes : confrontation entre deux milieux sociaux opposés (le héros est souvent le riche l’héritier d’un chaebol et tombe amoureux d’une fille ordinaire), relations conjugales, relations  triangulaires, héritage, amours impossibles, séparations, conflits familiaux.

Les personnages sont à la fois concrets et abstraits. Abstraits car les personnages évoluent souvent dans un monde utopique où seuls luxe et glamour ont droit de cité. De plus, les quiproquos et les situations rocambolesques foisonnent; il n’est pas rare de voir un personnage revenir du passé ou même de l’au-delà. Les invraisemblances ne dérangent pas du tout le spectateur coréen. Mais les personnages ont également un côté concret car ils évoluent dans des scènes de la vie quotidienne  et éprouvent les mêmes sentiments que vous et moi.

Certains Dramas, moins glamours, mettent l’accent sur des situations bien plus dramatiques (maladies incurables, accidents, brusque décès de proches etc…) dans lesquelles le sort s’acharne sur un personnage malchanceux. Mais ces feuilletons connaissent aussi un grand succès car les Coréens ont l’âme sentimentale et versent volontiers une petite larme devant un spectacle touchant.

Enfin, il existe également un autre sous- genre, les Dramas historiques, qui peuvent aller jusqu’à 100 épisodes. Ce sont des grandes sagas historiques costumées où les personnages sont toujours prêts à exhiber leur savoir-faire martial. Les Coréens sont friands de ces feuilletons qui se déroulent à une époque où il n’existait qu’une seule et unique Corée. Parmi les plus connus on peut notamment citer ” Jumong“ou “Kingdom of the wind“.

L’ascension fulgurante des Dramas coréens en Asie

Les Dramas ont d’abord connu un énorme succès auprès des Coréens. Puis ils se sont petit à petit exportés dans toute l’Asie. L’élément déclencheur a été la diffusion de « Sonate d’hiver» en 2003. Dans un premier temps, ce feuilleton a été diffusé au Japon par la chaîne KNTV pour les Zainichi coréens. Face à l’ampleur du succès, il a ensuite été programmé sur  les chaînes-satellites et hertziennes du même groupe. Un phénomène inattendu s’est alors produit. La Corée qui était jusqu’alors un pays de seconde zone pour les Japonais est subitement devenue un lieu de destination touristique. Des hordes hystériques de fans nippons ont pris d’assaut les lieux du tournage. Plus récemment, des feuilletons comme « Full house », « Stairway to heaven » ou bien encore « Boys Before Flowers » début 2009 ont également fait fureur et envahi les petits écrans. Cet intérêt grandissant n’a pas uniquement touché le Japon. Le Vietnam, la Malaisie, et l’Indonésie ont eux aussi succombé aux productions coréennes.

les Dramas coréens ou l’image de marque de tout un pays

Grace à l’impact de leurs Dramas, les Coréens ont pu étaler au grand jour leur prospérité. Les scènes où la richesse matérielle est magnifiée abondent; il n’y a pas de demi-mesure : voitures et villas luxueuses, vêtements de marque, look et coiffures hyper branchés, téléphones portables et écrans plasma dernier cri etc… Même les acteurs sont les ambassadeurs d’une réussite éclatante : leurs visages refaits, quasi parfaits, révèlent le triomphe d’une chirurgie esthétique irréprochable. Certains sont devenus des icônes nationales et internationales. Lee Young-ae qui a joué dans le célèbre Drama historique “Dae Jang Geum en est un exemple, tout comme Bae Yong-joon, le héros de « Sonate d’hiver », qui fait fantasmer la ménagère japonaise. Les agences de pub se disputent leurs images lucratives et populaires.

C’est donc l’image d’un pays fort, dynamique et trendy qui ressort de ces feuilletons. La Corée est subitement devenue le pays de référence en matière de goût, de mode et d’art de vivre, supplantant la vague japonaise qui avait déferlé en Asie dans les années 80. Ce phénomène, appelé “Hallyu” (vague coréenne), peut être défini comme un mouvement de la pop culture coréenne que l’on retrouve aussi bien dans la musique, les films, ou encore les jeux vidéos. Cette vague coréenne a contribué au rayonnement de la culture coréenne en Asie. De nombreux consommateurs de Dramas coréens considèrent la Corée comme un pays magique où tout est possible. Marchand de rêves, Le Matin Calme est désormais une destination qui compte.

sobong

Le kimchi, miracle made in Korea

kimchi - credit: toconnor1

Le Kimchi est sans conteste l’aliment le plus médiatisé en Corée. Ce mets préparé à base de légumes, traditionnellement du chou fermenté dans un mélange de sel, d’ail (beaucoup), de piment (énormément), de saumure de crevette ou de poisson et divers condiment est connu pour être riche en vitamines, minéraux, ferments lactiques et autres éléments nutritifs.

Le Kimchi: essence même de la Corée

Mais limiter le Kimchi à cette stricte description culinaire serait passer à côté de l’essentiel du Kimchi: de son odeur qui imprègne la Corée, tout comme la lavande et le Pastis sentent la Provence; du rituel lié à sa préparation pour les provisions qui annoncent l’hiver, tout comme le rituel des vendanges en Bourgogne ou dans le Médoc annoncent un plus ou moins bon millésime; du bout de Corée qu’on emporte à l’étranger en prenant du Kimchi avec soi, tout comme le bout de France qu’on prend avec soi en emportant du saucisson… Le Kimchi est l’incarnation épicée d’un peuple au sang chaud: des Latins d’Asie.

Le meilleur Kimchi: celui de maman

Le Kimchi est au Coréen ce que la baguette, le fromage, et le boeuf bourguignon cumulés sont aux Français. La baguette parce que tout Coréen qui s’estime ne conçoit pas un seul repas sans Kimchi; le fromage parce que le Kimchi est un mets fermenté: qu’on aime plus ou moins fait. Le Kimchi pourra ainsi être croquant et frais telle une salade de romaine s’il est mangé jeune, ou acide et fort en goût s’il est mangé bien fait. Le boeuf bourguignon enfin, parce que chaque famille a SA recette, SA variante de Kimchi, qui en fait le meilleur de Corée, et dont le secret de fabrication est jalousement gardé pas la mère, qui elle-même l’a hérité de sa mère, qui elle-même, etc…

Le Kimchi : entre ciel et mer

Faisant partie du quotidien, on comprend qu’il est difficile pour les Coréens de s’en passer lors de leurs déplacements. Ceux-ci  débordent d’imagination quand il s’agit d’avoir du chou magique dans leur bol. Des études poussées ont été menées en 2008 pour que cet aliment fermenté puisse conserver sa saveur, sa texture et sa couleur dans l’espace. Un geste fort en direction du premier astronaute coréen ! Le mois dernier, ce n’est pas dans les airs mais en mer que le Kimchi a navigué : il y a une dizaine  jours, une tonne de Kimchi a ainsi été envoyée aux 300 soldats coréens intervenant depuis deux mois dans les eaux de Somalie. Cette cargaison destinée à remonter le moral de la flotte coréenne ne peut que rappeler les colis envoyés par les familles aux soldats coréens durant la guerre du Vietnam dans les années 1960.

Gloire au Kimchi

Les Coréens n’hésitent pas à vanter les vertus du Kimchi qu’ils décrivent comme un légume  contenant davantage de ferments lactiques qu’un yaourt. Il aurait un double effet : tuer les bactéries nuisibles et renforcer les bactéries utiles, consolidant de ce fait les défenses immunitaires du corps. Son goût à la fois épicé et acide stimulerait en outre la digestion. Il préviendrait aussi bien le cancer que le vieillissement ou l’artériosclérose. Lors de l’émergence du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003, les Coréens sont allés jusqu’à soutenir qu’ils avaient été épargnés par ce virus grâce au Kimchi. Fidèle à son tempérament passionné, le Coréen n’hésite pas à promouvoir avec fierté les bienfaits du Kimchi. De nombreux festivals sont organisés en son honneur. Il existe même un musée qui lui est entièrement consacré. Une association IKA (International Kimchi Association) a par ailleurs  reçu le soutien du gouvernement coréen le mois dernier.

Le Kimchi sous toutes ses formes

oikimchi - credit: churl

la variante concombrée du Kimchi

Traditionnellement, le Kimchi est préparé par chaque famille coréenne à l’automne (Kimjang) afin de constituer des réserves pour l’hiver. Mais cette tradition se perd, en raison des changements d’habitudes alimentaires et des nouvelles générations plus urbaines qui  préfèrent acheter du Kimchi déjà préparé. Il existe d’autres sortes de Kimchi comme celui à base de radis Kaktugi (깍두기) ou bien encore de concombres farcis (oisobaegi). Ces variantes connaissent à l’heure actuelle un réel succès, d’autant plus que le prix du chou a pratiquement doublé par rapport à l’an passé. Le Kimchi est traditionnellement un accompagnement mais on peut également le trouver en plats comme dans le Kimchi Tchigae (김치찌개), le Kimchi Jeon (김치전), le Tubu Kimchi(두부김치) ou le KimChi Bokum (김치볶). Les chaînes d’alimentation rapide proposent même des pizzas et des hamburgers au Kimchi !

La voie du succès

L’addiction au Kimchi n’est pas spécifique aux Coréens. Depuis une dizaine d’années, la cuisine coréenne s’est exportée dans les autres pays d’Asie. Les pays les plus demandeurs sont le Japon, les Etats-Unis et Taiwan qui représentent 88% des exportations de Kimchi.

Nouvellement, la tendance est d’accentuer la communication sur les vertus du Kimchi en cas de cure d’amaigrissement. Pour illustrer ses multiples bienfaits, un film documentaire « Kimch ikkhan » est en cours de réalisation. Le cinéaste Shin Heung-sik souhaite le diffuser aux Etats-Unis car il considère à juste titre que la population américaine a un sérieux problème d’obésité.

Les qualités du Kimchi semblent décidément à la fois impénétrables et innombrables!

sobong

Youn Sun Nah vs Tom Waits

Concert Youn Sun Nah au Sunset-SunsideQuand on m’a dit qu’il fallait absolument aller au concert de Youn Sun Nah mercredi 13 mai 2009 à l’occasion de la sortie de son dernier album « Voyage », je me suis demandée pourquoi cette chanteuse suscitait autant d’enthousiasme. Curieuse de découvrir une chanteuse de jazz, de surcroît, coréenne, je me suis donc rendue au Sunset à Paris sans trop savoir à quoi m’attendre.

Youn Sun Nah m’a d’emblée séduite par sa délicatesse, sa voix si singulière. Avec une aisance surprenante, elle varie les tonalités et nous ballade à travers le temps et les cultures en chantant en anglais, brésilien, français et coréen. Plus la soirée avançait, plus j’appréciais la douceur et l’élégance de sa voix. Je ne regrettais pas d’être venue et je me laissais transporter au gré des mélodies et de la diversité de ses morceaux.

Youn Sun Nah @ Sunset-Sunside

Puis, vers la fin du deuxième set, Youn Sun Nah a annoncé qu’elle allait interpréter une chanson de Tom Waits.

Tom Waits?

Oh non, par pitié, pas une reprise de Tom Waits, ce chanteur que j’adule tant, ces souvenirs associés à cette voix et ces rythmes, cette musique unique qui a vocation à le rester. Youn Sun Nah était si bien partie, et elle allait tout gâcher bêtement pour ce choix malheureux, trop audacieux de sa part… Cela allait être fatal et anéantir tout le plaisir que j’avais eu jusqu’à présent d’écouter cette chanteuse coréenne…

J’étais inquiète mais dans un coin de ma tête, je dois avouer qu’une petite voix me disait que tout irait bien. Simplement parce que Youn Sun Nah sait naturellement donner confiance et créer une atmosphère de bien-être par son talent et ses interprétations remarquables.

Le suspens n’a pas duré longtemps: cette interprétation de “Jockey Full of Bourbon”, que nous propose Youn Sun Nah est différente de l’originale… Différente mais agréable: c’est du Tom Waits, et c’est du Youn Sun Nah, le tout en harmonie. Et c’est avec un immense plaisir que je l’ai écoutée interpréter l’un des classiques de mon répertoire favori.

Le nouvel album de Youn Sun Nah s’intitule Voyage. Comme une invitation au voyage que je recommande sans hésitation.

sobong


SeoulParis en images

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