Archive for November, 2009

Lee Myung-se au 4ème festival de cinéma franco-coréen

Their_Last_Love_AffairA l’occasion du 4ème festival franco-coréen qui se déroule en ce moment au cinéma Action Christine dans le 6ème arrondissement à Paris, j’ai découvert l’univers très personnel du réalisateur Lee Myung-se lors de la projection en sa présence de deux de ses films : “Their last love affair” (1996) et ” M ” (2007).

Le premier est une histoire d’amour passionnel entre un professeur de littérature et une jeune journaliste qui admire sa poésie. Le réalisateur nous plonge peu à peu dans l’univers des deux amants. Menant jusqu’ici une vie bien rangée avec femme et enfants, le professeur brûle de désir pour sa conquête et finit par mener une double vie. Quant à la demoiselle, elle oscille entre la volonté de vivre pleinement son amour et la raison qui la ramène régulièrement à sa condition de maîtresse. Afin de s’octroyer quelques jours de bonheur, les deux amants échouent dans un trou perdu en bord de mer. Exilés et coupés de la société, ils se retrouvent ainsi livrés à eux-mêmes et la réalité de leur passion. Sachant pertinemment que leur histoire est sans avenir, nos deux tourtereaux commencent à perdre la maitrise d’eux-mêmes, ce qui donne lieu aux meilleures scènes du film, entre burlesque et tension dramatique. Lee Myung-se fait preuve de beaucoup de talent quand il s’agit de montrer les états d’âme des deux protagonistes et les accès de folie provoqués par la force leurs sentiments.

m-3-filmLe second film m’a particulièrement interpellée. A la fois expérimental et peu conventionnel, «M» déborde d’innovations techniques. Le spectateur est littéralement plongé dans la psyché d’un talentueux écrivain qui souffre du syndrome de la page blanche. Tout au long du film, nous voilà embarqués avec lui dans une odyssée intérieure afin de comprendre les raisons de cette panne d’inspiration. On finit par ne faire plus qu’un avec son désarroi et on en vient, tout comme lui, à mélanger rêve et réalité. Il apparaît progressivement que le héros est hanté par le souvenir de son premier amour qu’il a cru pouvoir oublier. Mystère de la mémoire, du refoulement et des conséquences que cela peut avoir sur le présent. Le cinéaste coréen filme avec brio la cartographie mentale d’un être qui tente de résoudre un dilemme dont il ignore l’origine et qui le paralyse.

Des quelques propos que le public a échangés avec Lee Myung-se, je vous en livre un échantillon. Dans tous ses films, Lee fait la part belle au noir. Ainsi, l’écrivain de « M » revient sans cesse dans le bar « Arsène Lupin », un endroit étrange et d’un noir absolu, théâtre de sa rencontre avec la jeune Mimi. A titre anecdotique, le réalisateur coréen nous informe qu’il existe depuis plus de cinquante ans un « Lupin Bar » à Tokyo, dans le quartier de Ginza qu’il aime fréquenter. Chaque scène est composée à la manière d’un tableau, avec des couleurs très chatoyantes qui s’opposent constamment au noir.

Lee Myung-see nous invite d’ailleurs à aller voir l’exposition de Pierre Soulages à Beaubourg car l’œuvre du peintre français, qui joue constamment du contraste entre le noir et la lumière, peut selon lui mieux nous faire comprendre les méandres de l’âme humaine. Lee confie également au sujet de « M » que l’idée lui est venu suite à un rêve au cours duquel Alfred Hitchcock lui donnait un livre intitulé « M ». On lui souhaite ne serait-ce que le quart du succès qu’a connu son homologue d’origine anglaise.

sobong

Il y a 20 ans, le Mur

L1000266Au moment où le monde entier célèbre le 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin, la réunification de la Corée semble loin. Si loin que l’on en vient à se demander si cet événement arrivera un jour. Derrière deux séparations survenues au même moment pour les mêmes raisons géopolitiques, un gouffre sépare le cas coréen du cas allemand. Explorons-le au travers de quelques éléments de comparaison.

7ème siècle – 19ème siècle

C’est en 676, une époque où l’influence du Royaume de France devait difficilement dépasser l’A86, que la péninsule coréenne est unifiée, lorsque le Royaume de Shilla parvient à vaincre et annexer ses voisins de Baekche et de Goguryeo.

Les Allemands attendront le 12 siècles supplémentaires pour vivre dans un même territoire et développer le sentiment d’appartenance à une même nation.

Vainqueurs – Vaincus

C’est en vaincue que l’Allemagne se voit imposer au sortir de la Seconde Guerre Mondiale l’occupation de son territoire par les forces alliées, puis la séparation et la création de deux Etats.

C’est en vainqueurs que les Coréens pensent accueillir les troupes américaines au Sud et soviétiques au Nord venues les libérer de l’occupation japonaise. Sauf que la Corée n’est pas dans le camp des vainqueurs. Elle est juste une péninsule à cheval entre deux zones d’influence. Un butin à partager entre les deux vrais vainqueurs américains au Sud et soviétiques au Nord.

3 et 10

Le PIB par habitant de la RFA était trois fois celui de la RDA au moment de la réunification. Le PIB de la Corée du Sud est dix fois celui de la Corée du Nord aujourd’hui. La Banque Mondiale estime le coût de la réunification pour la Corée du Sud à 3 000 milliards de dollars, soit plus de trois fois son PIB annuel (800 milliards de dollars).

Perestroika / Axe du mal

Quelle que soit la volonté du peuple Allemand, la réunification de leur pays n’aurait pu voir le jour sans le soutien de la super-puissance américaine et la bienveillance de la super-puissance soviétique.

La réunification coréenne n’arrangerait aucune des puissances avoisinantes: Les Etats-Unis n’auraient plus aucune raison d’y maintenir 17 500 GIs, la Chine verrait l’influence occidentale s’étendre jusque ses frontières extrêmes orientales et le Japon serait confronté à la concurrence d’une puissance régionale revigorée avec soif de vengeance.

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44 ans et 64 ans

La séparation de l’Allemagne aura duré 44 ans: une éternité mais en même temps un laps de temps suffisamment court pour que soient vivantes et actives les générations d’avant-guerre; celles qui parce qu’elles ont connu une Allemagne unifiée, œuvrent passionnément pour son retour.

20 ans après la chute du mur de Berlin où sont les Coréens nés dans un pays s’étendant de Busan à la Mandchourie? Aux marges de la société coréenne. Au Sud, tout au plus l’opinion publique s’attarde-t-elle sur ces quelques vieillards lors de retrouvailles télévisées certes émouvantes mais qui résument bien la situation: les derniers à vouloir réellement la réunifications sont suffisamment vieux pour avoir un frère, une sœur, ou un parent de l’autre côté de la frontière et donc trop faibles pour peser sur le cours des choses.

Les autres invoquent la réunification comme un voeu pieu: une réunification à condition qu’elle ne soit pas au détriment de la prospérité économique, à condition qu’elle ne signifie pas une marée d’immigrants venus du Nord prenant les emplois de ceux du Sud. La jeunesse, complètement décomplexée, est même de plus en plus nombreuse à la rejeter ouvertement: 13 siècles d’unité nationale sont finalement bien peu de chose face à 20 ans de prospérité.

yonggook


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