BeolCho – 벌초

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Chuseok fête la fin heureuse de la moisson d’été. Les greniers remplis pour passer l’hiver, les Coréens se réunissent en famille pour célébrer l’occasion et rendre hommage aux ancêtres : un mélange de Thanksgiving américain et de Toussaint français à la mode confucéenne et chamanique. Aujourd’hui, la fête de Chuseok reste avec le nouvel an lunaire la principale fête familiale annuelle coréenne.

Trois semaines avant les festivités se tient le « BeolCho », un préparatif obligé pour qui aspire rendre dignement hommage à ses ancêtres, c’est-à-dire à peu près tout le monde : le rafraîchissement des tombes familiales. N’imaginons pas ici un caveau familial qui se trouverait dans un cimetière municipal à droite en sortant de l’Eglise du village. En Corée, la plupart des morts reposent loin de toute civilisation, souvent perdus dans les montagnes, dans un lieu connu et accessible uniquement des proches qui viennent s’y recueillir. Il ne s’agit donc pas de dépoussiérer les pierres tombales, plutôt de débroussailler et de couper les mauvaises herbes (« Beol » = supprimer ; « Cho » = mauvaises herbes) qui auront prospéré durant l’été ; activité qui nécessite la participation de tous et donc un motif à une mini – célébration avant l’heure.

Etant en Corée au bon moment, je pus assister au BeolCho de mes ancêtres et vous livre ici le récit de cette journée qui commença à l’aube.

5h30 – Départ de Séoul

L’objectif est d’arriver près de Uisoeng, dans la province de Gyeongsangbukdo vers 9h, sachant que la sortie de Séoul prend du temps même à cette heure-ci et qu’après la sortie de l’autoroute, il reste encore une grosse demi-heure de petite route à faire.

Ce lever aux aurores m’aura au moins permis de me dire que ce sont peut-être les levers de soleil sur les campagnes vallonnées qui auront inspiré à certains le nom de Pays du Matin Calme.

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7h30 – Pause petit-déjeuner

Nous nous arrêtons dans une ère d’autoroute pour manger ce dont tout le monde rêve à 7h30 du matin: une soupe de nouilles bien pimentée. Problème: nous ne sommes pas les seuls en chemin pour le BeolCho et nous ne sommes pas les seuls à avoir faim. C’est donc avec une demi-heure de retard sur notre programme mais le ventre rempli que nous reprenons la route pour Uisoeng.

9h30 – Arrivée à destination

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Nous nous garons sur un chemin de terre qui sépare quelques rizières d’un flanc de montagne où se trouve les tombes de nos ancêtres. Les gens de notre village (et cousin lointains) sont déjà à pied d’œuvre quelque part au-dessus de nous et nous devons trouver seuls l’entrée du passage qui nous mènera aux tombes. Encore 15 minutes perdues, le temps de trouver non pas l’entrée elle-même mais des retardataires comme nous qui connaissent l’endroit mieux que nous.

Nous nous engouffrons avec eux dans la montagne pour une demi-heure de montée sauvage.

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10h – Les choses sérieuses commencent

Pour être tout à fait honnête, nous arrivons presque après la bataille: le gros du travail est achevé et il reste quelques branches à scier ou quelques mauvaises herbes oubliées par-ci par-là.

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Nous faisons le tour de toutes les tombes éparpillées ça et là; l’occasion pour moi de passer en revue quelques-uns de mes ancêtres, certains remontant à dix générations:

mes arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-arrière grands-parents

mes arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-arrières-arrières grands-parents

Bien sûr, impossible pour moi de savoir seul l’identité de chaque tombe, d’autant que les inscriptions sont en chinois classique. Il ne me reste plus qu’à demander à mon oncle. Tiens, par exemple, quelle est cette tombe sans inscription juste à côté de celle de ce grand oncle? Une tombe clandestine me répond-on. Ce qui n’empêche pas les villageois d’en prendre soin comme les autres. J’imagine un bref instant le scandale qu’aurait provoqué l’enterrement clandestin d’un inconnu dans un caveau familial français. Juste impensable.

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Les travaux s’achèvent. Une dernière offrande et un dernier salut aux ancêtres avant de descendre. Puis c’est le retour au village pour un déjeuner bien mérité.

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11h30 – déjeuner

Pour trouver un lieu suffisamment grand pour accueillir le groupe, nous demandons l’hospitalité à un habitant du village qui dispose d’un grand terrain vague où sont disposées quelques tables. Les anciens prennent place en attendant que les plus jeunes improvisent un barbecue de poulet épicé: une grille en métal, quelques grosses pierres, un peu de bois sec et le tour est joué.

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Pour accompagner le poulet, du chou du champs d’à côté, de l’ail cru et des piments du champs d’à côté, du riz et de la pâte de soja fermenté (doenjang, le miso coréen) fait maison.

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Une heure d’un déjeuner simple mais authentique, de discussions des affaires du village, de nouvelles échangées sur soi-même ou untel qui n’a pas pu venir. Encore quelques minutes de répit le temps de fumer une cigarette. La parenthèse familiale se referme et la vie coréenne à cent à l’heure reprend ses droits jusqu’à Chuseok.

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yonggook

1 Response to “BeolCho – 벌초”


  1. 1 Bernard September 21, 2009 at 7:26 am

    Bravo ! Ce reportage très fouillé me comble… un manque viscéral – quasi existentiel – de n’avoir pas encore pu y participer, avec la famille de ma fille adorée, Yuna.
    Attendons maintenant avec gourmandise le reportage sur Chuseok.


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