Le parlement coréen s’embrase à nouveau

Décidément, les Coréens ne font pas dans la finesse. Pas étonnant qu’ils manquent de savoir-faire en matière de soft power. On les sent beaucoup plus à l’aise quand il s’agit de se mettre sur la gueule en famille. Pour preuve, cet énième pugilat ayant opposé ce matin, heure de Séoul, les députés du Grand National Party (GNP) à ceux du Democratic Party (DP). Une rixe géante, sans gants, ni courbettes, qui a transformé le parlement coréen en un véritable champ de bataille : députés du GNP agrippés au perchoir du président de l’Assemblée, députés du DP bloquant l’accès de l’entrée principale avec des chaises, corps-à-corps virils, plaquages au sol etc.

Bien sûr, on pourrait s’arrêter à ce stade; à une lecture anecdotique de cet événement comme le fait le Figaro et mettre tout ça sur le compte de l’exotisme d’une jeune démocratie lointaine où vit un peuple au sang chaud. Cette lecture ne serait pas totalement fausse mais passerait à côté de l’essentiel.

Car au coeur de la polémique réside une réforme des médias qui donnera la possibilité aux quotidiens et aux chaebol de posséder jusqu’à 30% du capital des chaines de télévision. Pour bien comprendre l’impact de cette réforme, il faut mesurer le poids des quotidiens coréens sur l’opinion publique locale et surtout des trois plus gros d’entre eux: le Chosun Ilbo, le Joongang Ilbo, et le Donga Ilbo. La clique ChoJoongDong, comme l’appelle le camp progressiste.

Ces trois quotidiens tirent chacun à plus ou moins 2 millions d’exemplaires pour une population coréenne inférieure à 50 millions d’habitants (à titre de comparaison, Le Monde tire à moins de 400 000 exemplaires). Vous imaginez donc l’impact d’un éditorial ChoJoongDong sur l’opinion publique : un impact comparable aux JT de 20h cumulés de TF1 et France 2 en France. Bien sûr, on pourrait applaudir devant la vitalité de ces journaux alors que, partout ailleurs, ils souffrent de la concurrence d’Internet, mais le problème c’est que ces trois quotidiens sont conservateurs, tous sans exception, voire ultra-conservateurs. Il y a 25 ans de cela, la seule fonction de leurs comités éditoriaux était de se réunir pour prendre connaissance des instructions envoyées par le gouvernement et ainsi savoir quel sujet traiter en Une (les chaebol et le gouvernement c’est bien, ils nous protègent contre les sales rouges, ils sont partout, faut faire attention) et quel sujet censurer (les mouvements de lutte pro-démocratiques).

Imaginez que les héritiers de ce système là prennent le contrôle des chaînes TV, alors que le web coréen est déjà sérieusement censuré. Un peu comme si en France, l’actualité nous était comptée par Le Figaro, TF1, Valeurs Actuelles et rien d’autres. On comprend alors mieux pourquoi l’opposition crie au scandale et tente d’empêcher par tous les moyens Lee Myung-bak de s’assurer le contrôle des médias.

Médias et politique, politique et médias, cela vous rappelle forcément de récents débats plus proches de nous…

yonggook and sankyo


1 Response to “Le parlement coréen s’embrase à nouveau”



  1. 1 Recette coréenne pour une censure bien ficelée « seoul.paris Trackback on July 28, 2009 at 8:40 pm

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